Comme chaque année, depuis 9 ans, en octobre, je rentre de Moundou après avoir opéré une trentaine d’enfants Tchadiens avec une équipe de bénévoles : chirurgien, anesthésiste, aides-opératoires, infirmier anesthésiste, infirmier.
Nous commençons à avoir nos habitudes mais chaque mission est une nouvelle aventure humaine. Dès notre arrivée au centre Notre Dame de la Paix, c’est une grande émotion de retrouver la terre Tchadienne,toute l’équipe avec laquelle nous avons noué des liens très forts, les enfants qui courent dans la cour, les mamans avec leurs magnifiques pagnes colorés. Nous allons partager quelques jours de notre vie dans cette maison, qui nous accueille, dans la proximité des soignants avec l’équipe française, l’équipe tchadienne , les enfants à opérer et leurs familles , qui souvent viennent de loin et vont devoir s’installer parfois pour plusieurs semaines . La joie qui règne dans cette maison, malgré de grandes souffrances est toujours un étonnement pour moi.
Comme toujours, nous revenons avec la satisfaction du travail accompli et, en même temps, le désarroi devant l’immensité de la tâche : nous avons transformé la vie d’enfants porteurs de fentes nasolabiales, communément appelées bec de lièvre, qui étaient exclus de toute relation sociale. Au Tchad, ces enfants sont cachés, les croyances voyant un signe de malédiction et nous les opérons souvent très tardivement. Nous lisons dans leur regard, l’émotion d’avoir trouver un visage et un sourire à partager ,et de pouvoir s’intégrer dans la famille et le village.
Nous avons transformé la vie d’enfants brûlés. Au Tchad, la brûlure est un véritable fléau : les enfants très jeunes tombent dans le brasero, les brûlures ne sont pas soignées et les séquelles fonctionnelles sont très invalidantes, avec des enfants handicapés à vie, qui ne peuvent plus marcher normalement, ne peuvent plus utiliser leurs mains. Petit à petit, parfois avec plusieurs interventions, année après année, nous les voyons reprendre vie, courir, jouer, aller à l’école comme tous les enfants et nous sommes émerveillés devant la transformation de ces enfants.
Et puis, un matin, nos vies ont croisé celle de Chancelline, handicapée moteur et cérébral, abandonnée par sa mère à l’hôpital, dénutrie, prostrée. Grâce à la mobilisation et à la générosité de tous, nous lui avons donné les soins nécessaires et Jeanne l’a accueillie dans sa maison. Nous l’avons vu renaître à la vie, trouver une famille et le sourire sur les dernières photos reçues.
Cette année, pour la première fois, une source de joie supplémentaire, les liens d’amitié et de confiance que nous avons tissés avec l’équipe d’infirmiers et de kinésithérapeutes vont se prolonger , grâce à internet et nous continuons à échanger , pour le suivi des patients , mais aussi pour les nouvelles des uns et des autres qui font toujours plaisir.
Nous rentrons enrichis de ces expériences, de l’intensité des moments vécus, que nous gardons dans nos coeurs et qui nous ramènent au sens de nos vies .
Dominique VASSE
Chirurgien plasticien